FLE

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domingo, 15 de noviembre de 2015

Massacre au Bataclan

Maman, j'ai beaucoup de choses à te dire.
Ce soir, je suis rentrée dans cette grande salle et j'ai dansé. Dansé. Dansé. J'ai dansé à m'en écorcher les pieds, j'ai crié à m'en esquinter la gorge. Je n'ai plus de voix. Tu te souviens le nombre de fois où je t'ai demandé, les mains moites, si tu acceptais de me payer cette place de concert ? Tu as fini par dire oui. Alors ce soir, j'ai laissé la musique m'emporter. J'étais en transe, maman, tellement c'était dingue. On était tous là, collés, criants, suants, des sourires jusqu'aux oreilles. Une joie inconnue enveloppait nos corps et la musique nous enchantait. Puis il y a eu un "boum". Tu sais, le genre de "boum" qui rompt le charme, qui brise le rythme. C'était un son en plus de la musique, qui sonnait un peu faux. Tout s'est tu. Les instruments ont cessé de résonner, les cris sont devenus muets. J'étais essoufflée, désorientée, je respirais fort. Et le "boum" a retenti de plus belle. J'ai entendu des cris perçants, comme des appels au secours. Il faisait tellement chaud et pourtant, on avait si froid. Les boums sont devenus de plus en plus rapides, ils s'enchaînaient... Alors on s'est couchés. Le sol semblait trembler mais c'était nous, qui tremblions. Et les coups de canon ne s'arrêtaient pas de chanter. C'était un autre concert, des autres notes et les seules paroles audibles n'étaient que des râles agonisants, des plaintes affreuses. Maman j'aimais la musique, mais pas celle-ci... Et je crois qu'ils l'ont compris. Moi, au contraire, je n'ai pas eu le temps de comprendre. Ils m'ont tué maman. Ils ont fait chanter leurs balles contre moi pour la simple et bonne raison que j'étais là, au mauvais endroit. Le mauvais soir. Ils m'ont tué et je n'entendrai plus jamais la musique.
128 autres personnes n'entendront plus jamais la musique.
Maman, ce soir, je viens te dire que mes notes se sont tues mais que la chanson continue.

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